D’une culture rare et d’une connaissance difficile à concurrencer des institutions européennes, Marielle de Sarnez – esprit global fort d’une capacité hors norme à prendre du recul – qui incarnait comme nul autre la discrétion-omniprésente offrant le don rare d’avoir une vision toujours juste de la société française et sur chacun d’entre nous, vient de nous quitter.
Gardienne des traditions et du fil démocratique de notre mouvement d’idées, elle maîtrisait l’art de faire passer ses messages dès leur première formulation. Nul doute que dans notre formation, comme de ses coéquipiers au Conseil de Paris, sa disparition anéantisse nombre d’entre nous.
Voisins de sièges à l’Assemblée, nous aimions échanger sur les ministres assis au banc sur lesquels notre situation offrait un poste d’observation intéressant. Mais de tous ces moments que notre combat politique nous offrait, c’est celui de la submersion de nos émotions par Auschwitz et Birkenau qui restera à jamais. À Varsovie pour une réunion plénière du Parti Démocrate Européen, puis de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, nous avions alors décidé de bouleverser nos agendas afin de nous rendre dans les camps de la mort. Parmi les rares mots qui avaient réussi à rompre nos silences dépendants d’une émotion si forte, ce sont les récits de la vie de Simone Veil ou de Jorge Semprun qui nous ont offert un radeau de sauvetage dans ce naufrage humain. « L’écriture ou la vie » nous avait laissé la même empreinte indélébile.
Présidente estimée et respectée de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée, elle a accompli un travail considérable dont l’un des plus incontournables est son rapport sur l’immigration. En parcourant ce Journal de Marche particulier puisqu’il lui est dédié, vous comprendrez pourquoi ce rapport figure en tête, car si quelqu’un veut un jour prendre à bras le corps ce dossier, c’est à l’aune de la réflexion de Marielle de Sarnez que je l’invite à le faire.
Comme seuls les bons marins le savent, le cap au compas a besoin d’être corrigé par la force des vents et des marées comme du champ magnétique du navire pour trouver le « cap vrai ». Marielle indiquait un cap vrai et juste.
À ses proches, sa famille, ses enfants et François Bayrou, coéquipier de toujours, j’adresse mes condoléances et l’expression de ma peine, de ma profonde tristesse.